jeudi 4 décembre 2014



Maison particulière, Bruxelles


Vie ardente - donne-nous donc avant la nuit,

A nous tous qui souffrons des rigueurs de l'hiver,

une île au milieu de l'eau, un feu en plein air,

une main par laquelle réchauffer un ami.



Stig Dagerman, Billets quotidiens, Cent pages 2014

mardi 14 octobre 2014

Gent, Notaristraat


Je reconnais le marronnier, le tilleul, le peuplier, le saule pleureur, 
le chêne, le châtaignier, le pin, le sapin, le hêtre, le platane, le noisetier, 
le pommier, le cerisier, le lilas, le prunier, le poirier, le figuier, le cèdre, 
le séquoia, le baobab, le palmier, le cocotier, le chêne-liège, l’érable, l’olivier
Je nomme, sans les reconnaître, le frêne, le tremble, l’orme, le fusain, 
l’arbousier, le bougainvillier, le catalpa.


Édouard Levé, Autoportrait

jeudi 10 juillet 2014

Moi  nous & sucette


Je lis : El suave endulzar de 
una fruta secandose 
al sol
Lou dit : maman tu me 
dessines quelque chose 
mais pas un truc de fille pas 
de sirène pas de 
princesse pas de 
barbie pas 
de fée rien
c'est tout

Je dessine une planète
avec un anneau 
comme
Saturne trois étoiles 
multicolores et une
fusée à grands carreaux
qui fonce droit devant 
et s'élève ou presque
dans la marge


K. D.

mardi 17 juin 2014

MaBlooM'sDay



Joyce je sais
qui c’est
il a écrit un livre
qui commence par  
riverrum
et un autre qui se termine par 
Yes.
Ulysses c’est lequel ?
celui du yes.
mais il ne se termine pas par Yes.
il se termine par
Trieste-Zürich-Paris, 1914-1921.

mais c’est important ?
c’est le plus important
mon amour
 

                                  Adilia Lopes, Au pain et à l’eau de Cologne

vendredi 6 juin 2014


Arbre en hiver, Bruxelles



Aux mouettes, aux fourmis,
aux araignées et aux renardes

Chères amies, la vie est un tombeau ouvert.

Parfois, en plein jour, elle a l’air d’un pétrin de cuisine modèle et parfois d’une cave à rats jonchée de copeaux et de crottes.

Mais elle ne se limite pas à une série de débris minuscules que je pousse dans la pelle avec la balayette. Toute ma vie n’est pas à jeter à la poubelle.

Parfois, le tombeau a l’air d’un écrin à bijoux dans lequel un enfant a déposé un trésor, un nœud de bois à la forme d’une cervelle, une noisette creuse, un toton en cuivre, une grenouille plate séchée ramassée sur la route avec son allure de ballerine.

Mais ma vie ne se résume pas à une collection de menus objets lourds de sens. 
Toute ma vie n’est pas à déposer dans un reliquaire.

Il est vrai que mille choses meurent ou s’étiolent dans une journée, 
des choses et des êtres, en s’effondrant comme des falaises, 
des maisons, des ponts, des arbres, des tulipiers, en s’éteignant comme des feux, 
des étoiles, des voix, en tombant comme des chênes, des cèdres et des poiriers, 
et que des lézardes se lisent dans tous les sens, 
cicatrices et nouvelles plaies de l’écorce, 
fractures dans la structure 
et la superstructure 
du monde.


Eugène Savitzkaya

dimanche 25 mai 2014


From Ipanemab




elle dit 
je peux elle vivre 
respirer danser chanter

manger pleurer crier rêver

elle dit je peux être aussi 
être gentille bien docile

je peux mourir aussi je peux je veux

avant le vide le silence et la neige

être photographe cleptomane acrobate

mythomane poète vidéaste amateur

capturant au matin des arbres des  
soleils et l’arc-en-ciel

gogo-danseuse cinéaste dresseuse de  
serpents traductrice d’allemand  
lectrice de Celan

mariée descendant l’escalier

de tes pensées nue elle dit

elle dit je peux aussi être là être la voix

de mon maître courir aussi je peux je veux

avant que mon cœur s’arrête

être pyromane bruitiste professionnelle

cartomancienne romancière belle lettriste

effaçant de la main le parti pris des choses

je veux vivre je peux respirer

te manger me laver rire penser

je peux rêver elle dit





elle dit je 
peux ouvrir fermer 
les yeuxplonger respirer me  
noyerelle dit je peux  
être moi aussi

discrète servile je peux

mourir aussi je peux je veux

après la pluie allumer réchauffer

ta pensée être un nu amateur

équilibriste amie aussi

sur ton cœur oui ne pas

te sauver la vie

libérer au matin

les arbres les soleils l’arc-en-ciel

lectrice de braille intermittente 
des sentiments correctrice arrimée 
à la langue des signes

elle dit tuer la langue en soi

la voix de son maître

vivre je peux elle dit

lire te lire rire pleurer

regarder dormir

ta peau tes rêves tes maux

je peux ouvrir

souffler ton cœur les braises

réchauffer étreindre

tes doutes sous mes doigts

l’espace que tu traverses parfois

entre les nuits d’un seul pas

sombrer ne pas

elle dit je peux

je peux vivre respirer danser
pleurer chanter rêver





elle dit parfois aussi

essayer de vivre

essayer elle dit 
vivre je peux oui

elle dit oui

je veux bien tu veux

dit tu veux bien toi aussi

elle te caresser oui

je peux essayer de te penser

sous la neige et les silences

d’argile être douce

la jeune fille en théorie

ou presque que tu

je il pratique elle dit

je veux oui j’ai dit

je peux vivre

respirer danser chanter

lire tes pensées

les poings liés

parler pleurer rêver

tu dis salut rien au revoir à bientôt

marcher tu peux aussi sous la pluie

la nuit le jour avancer
jouir sourire parler

de toi à moi figurer au présent

passer traverser la vie

comme sur perdre le fil

je peux rêver elle dit

te toucher

me lover rire penser

vivre je peux

arrêter je veux

oublier te penser

arrêter de parler

Katrine Dupérou